"On veut travailler le dimanche !" C’est en criant ainsi que quelques centaines de salariés ont expliqué la raison de leur manifestation mardi 13 janvier à Paris devant la caméra de l’Express.
(Video de l'Express )Mais cette grève est troublante par certains détails. A la place des habituels drapeaux des organisations syndicales flottent les drapeaux des enseignes tels que GO Sport ou Leroy-Merlin. Chose plus rare encore, une salarié fustige son organisation syndicale (FO) et semble n’avoir de yeux que pour l’UMP à travers Xavier Bertrand et Luc Chatel.
Que doit-on comprendre ? Qui organise ces manifestations ?
En faisant quelques recherches sur le Net, on découvre qu’une autre manifestation de ce type a eu lieu dans le Val d’Oise en avril 2008. Et là, autre fait troublant : on retrouve non seulement l’enseigne Leroy Merlin mais aussi la pancarte jaune reconnaissable entre toutes aux écrits noirs et rouge.
Force est de constater que ce mouvement de salariés est bien rodé et qu’il ne serait pas le fruit d’un engagement spontané d’employés volontaires. Les salariés du privé ne sortent pas aussi facilement dans la rue, ils doivent y être vivement invités.
Ainsi la recherche sur ces mystérieuses manifestations va de surprise en surprise :
Je découvre un site internet http://www.leroymerlin-dimanche.com/.
(Print ecran http://www.leroymerlin-dimanche.com/.)
Un site qui selon le webmaster "a été réalisé de façon bénévole par un employé fin de semaine du magasin Leroy Merlin de Montsoult (95). Le contenu de ce site est mis à disposition de tous par le comité de soutien des magasins Leroy Merlin du Val d'Oise. Ce site est élaboré par les salariés et n'a aucun lien d'appartenance avec l'enseigne Leroy Merlin ou avec le site leroymerlin.fr Le but de ce blog est de défendre notre cause et de recueillir le soutien des particuliers qui souhaitent l'ouverture le dimanche des grandes surfaces de Bricolage".
Une explication qui laisse perplexe quand on sait qu’il est particulièrement délicat de reprendre l’enseigne d’une entreprise à titre "personnel". Difficile de croire que cela a été fait sans que Leroy-Merlin n’en soit informé, sans que l’enseigne n’ait approuvé l’utilisation de son logo a des fins quasi politiques. De plus la création d’un site n’est pas chose aisée, la plupart aurait opté pour un blog. Ici on se retrouve avec un site plutôt bien fait. Pour un employé de fin de semaine, ce travail de bénévolat frise un degré de zèle dans l’ouvrage qui déconcerte un peu. Ca sent drôlement le marketting d'un professionel de la com...
C’est en se dirigeant sur le site de FO commerce (qui lui est un blog), que l’on découvre les dessous de cette manifestation d'avril:
On y apprend qu'en avril, les patrons de Leroy-Merlin ont invité, par le biais des comités d’établissement, les salariés à participer à cette "mobilisation". Une mobilisation qui va à l'encontre de l'avis du syndicat FO (entre autre) !
La direction a même donné l’assurance aux salariés que leur journée de travail sera payée ! La grève a donc été financée par la direction. Pour faciliter les choses Leroy-Merlin a affrété au frais de la société des cars pour le transport des "mobilisés", et a pris en charge leur repas.
Et tant pis si cela va à l'encontre du code du travail ! Car en effet en favorisant une manifestation de ses salariés contre leur propre organisation syndicales la direction viole l'article L2141-7 qui stipule qu'il "est interdit à l'employeur ou à ses représentants d'employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale."
(print ecran manif du 13/01/09 - video de Luc-Chatel)
Or les banderoles et les slogans sont clairement contre le syndicat. C'est le monde à l'envers !
Cette manifestation que l’on pourrait croire spontanée serait donc une vaste mise en scène organisée et financée par le patronat. Une totale mascarade?
La "droite décomplexée" a visiblement déteint sur les patrons français. Il faudra désormais compter sur une nouvelle forme de grève. Si des grèves sont rémunérées par le patronat contre les syndicats et pour l’UMP... Les salariés ont-ils tout à y gagner?
En tout cas, pour Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la Consommation, c'est un peu le "mai 68" made in UMP. Mégaphone à la main, et ribambelle de caméras, il se fait le chantre des "salariés achetés révoltés". Patrons, UMP, salariés débauchés... C'est un système de communication à la limite de la légalité qui se met en place et indirectement un affront lancé au droit syndical.
(video de Luc-Chatel 13/01/2009)
L'examen du texte sur l'extension du travail dominical a été reporté mais le sujet n'est pas clos. D'ici là, à l'UMP, tous les coups sont permis!